Mon éducation financière
Enfant dans les années 1980, je me souviens bien de ces fois où ma mère m’emmenait dans l’agence “écureuil” du village. On allait alors déposer de l’argent sur mon Livret de Caisse d’Epargne. Le petit livret à la couverture rouge était donné au préposé bancaire avec deux billets de cent francs. Il faisait passer le petit cahier dans son imprimante matricielle et les aiguilles ajoutaient 200 F. Je rentrais à la maison tout enthousiaste et ma mère faisait son travail éducatif : il fallait mettre de l’argent de côté "pour plus tard". Ainsi "quand je serai grand, je pourrai m’acheter une chaîne Hi-Fi". J'imagine l'importance de la musique dans la construction des adolescents boomers et de disposer de son moyen de diffusion pour écouter ce qu’on voulait. Aujourd’hui, les solutions techniques pour écouter *toute la musique du monde* sont omniprésentes dans nos poches et nos maisons. Bref, mon éducation financière s’est résumée à utiliser le livret A et à gérer un peu d’argent de poche. A l’école, aucun cours d’économie dans ma filière. Je pars donc de très loin dans ce domaine.
Adulte, je me suis efforcé de creuser le sujet des finances personnelles. Je suis un adepte de l’optimisation. C’est souvent fatigant mais faire autrement serait contre nature. Bien sûr, j’ai fait des boulettes et je continue à la marge à être un peu aventurier, une certaine appétence pour le risque sans doute. Il faudrait d’ailleurs que je trouve le temps d’écrire une note de synthèse sur ma vision des finances personnelles. L’argent est un peu trop tabou à mon goût ; échanger des idées ne peut-il pas être bénéfique ?
Getting REKT
Une des aventures dans lesquelles je me suis lancé à la marge c’est l’achat de cryptomonnaies. Je n’ai plus de souvenir précis de ce qui a déclenché ma curiosité, mais c’est clairement la bulle de 2017 qui m’a contaminé avec le virus de la crypto. J'ai découvert le phénomène de FOMO, ou Fear Of Missing Out. C’est un comportement impulsif de peur de louper une information, quelque chose, ou un mouvement qui démarre. En 2017, les interfaces pour acheter et stocker des cryptos étaient plus complexes qu’aujourd’hui et j’ai rencontré mon premier problème majeur : la perte d’un mot de passe ! Je revis un traumatisme de mon enfance où j’avais perdu une grosse somme d’argent en l’ayant planquée dans un endroit invraisemblable ! Je ne sais pas d’où me vient cette hypertrophie du besoin de sécurité en matière de biens personnels... peut-être de la visite d'un commercial vendeur d'alarmes que j’ai un peu trop écouté alors que j’étais tout petit. Bref, j’ai créé un mot de passe très long, atypique par rapport à mes variantes habituelles et quelques mois après je n’arrivais plus à me logguer dans mon portefeuille numérique. Je suis donc tombé dans un casse-tête pour regagner l’accès à mes cryptos. Je suis même passé par une phase où j'ai essayé d'imaginer un bug dans le logiciel original à cause d'un caractère spécial en langue française et où je cherchais de l’aide sur le github de l’app, etc. Bref des délires... Finalement, je le retrouverai en 2022 après des heures de pensées en arborescence et de tentatives via Hashcat pour retrouver mon mot de passe. Il fallait me voir faire tourner mon vieux Mac avec un ventilo à côté pour éviter qu'il ne surchauffe. Comique. Finalement, même si j'ai testé des dizaines de milliers de variantes du mot de passe que j’imaginais, dont des milliers d’inversion de caractères, de fautes de frappe ou autre doublon, le mot de passe que j’avais choisi n’était pas si dingue (mais très long) et avec juste de la logique j’aurais pu le retrouver... Il est estimé que près de 3 millions de bitcoins sur les 21 millions programmés sont perdus ou inaccessibles par perte des clés ou du wallet, soit 10-15%. Première grosse leçon avec les cryptos : quand ça merde, il n’y a pas de SAV à appeler. DYOR, Do Your Own Research c’est aussi dans ce cas-là, LOL.
Deuxième leçon : éviter les arnaques ! Probablement la leçon la plus retors car en premier ordre ça sonne comme une évidence ! Mais les pièges sont tellement nombreux, complexes et alambiqués qu’on avance à tâtons en plein Wide Wild West. C’est aussi probablement la leçon la plus longue à assimiler et vous allez voir où je veux en venir...
En 2017, c’est le boom des ICO. Initial Coin Offering. De nombreux petits malins font des clones du roi Bitcoin, écrivent des projets farfelus à grand renfort de techniques marketing qu’ils vendent aux quidams débutants dans ce milieu. J’étais donc une cible parfaite. L’idée est de vous vendre des jetons (tokens) qui vous donneront un accès prioritaire à un super service révolutionnaire qui va tout déchirer. Par deux trois associations d’idées foireuses j’achète une poignée d’un truc qui s’appelle le Gulden. Long story short : ce truc va rapidement valoir zéro et ne plus être échangeable. Ces multiples ICO ont plumé des dizaines de petits singes du retail avec le même schéma. Le retail c’est le bétail, tous les petits qui “investissent” dans l’espoir de faire un bon coup. Heureusement je suis rentré dans le casino avec des peccadilles, connaitre la valeur d’un euro est utile. Quand on passe une nuit chargée à l’hôpital et qu'on connait la rémunération associée, ça aide.
Apprendre froidement en pleine effervescence d’un bull-run
Je retrouve les cryptos 3 ans plus tard en 2020. Evidement je m’y intéresse à nouveau en plein début de la période de folie de l’hiver 2020-2021. C’était une période de forte croissance qu’on appelle un bull-run. Là, je suis dans un état d’esprit totalement différent : j’ai compris le danger du FOMO et je veux prendre le temps. Je m’assigne à une période tampon, de sécurité, où je vais lire, étudier, me cultiver sur le fonctionnement des outils avant de rentrer à nouveau dans le casino jeu. Ce qui pouvait paraitre malin m’a fait rentrer au pic de valeur de bitcoin, YOLO. C’est toujours plus facile a posteriori... quand on baigne dans le milieu des cryptos, qu’on l’observe, qu’on sourit de leurs mèmes, on a l’impression que le bull-run a une énergie folle qu’on ne saurait arrêter. Et ça n’est pas l’interjection “mais ce truc ne repose sur rien” qui nous empêche de continuer tant cette opposition semble creuse (alors qu’elle est totalement valable et difficile à assimiler ! C'est compliqué de prouver l’absence de quelque chose n’est-ce pas ?!)
Commence alors pour moi une période d’apprentissage en autodidacte avec les risques que ça comporte. Je commence par l’histoire de Bitcoin. C’est un véritable roman. L’une des pierres angulaires de Bitcoin est sa création mystérieuse. Au lendemain de la crise des subprimes et du sauvetage des banques (premier évènement économique dont je me souvienne dans ma vie d’adulte), une personne sous pseudonyme : Satoshi Nakamoto publie un document sur une mailing liste de cryptographie expliquant le fonctionnement d’un protocole informatique permettant d’échanger de l’information (qui peut être une “monnaie”) de pair à pair sans *un* intermédiaire de confiance centralisant les échanges et les validant. Bitcoin est né. Le protocole de Satoshi Nakamoto est déployé dans la communauté des cypherpunks et les premiers bitcoins sont créés en 2009. Ça ne vaut rien du tout à l’époque, c’est juste un programme informatique qui tourne sur plusieurs ordinateurs. Là où ça devient complètement dingue, c’est que Satoshi Nakamoto disparait presque 3 ans après avoir miné les premiers bitcoins. Les bitcoins associés à la création sont parfaitement traçables et ils n’ont jamais été transférés (pour être revendus). Au moment où Bitcoin sera le plus valorisé en novembre 2021, ce portefeuille électronique contient plus d’un million de bitcoins soit plus de 70 milliards de dollars. Satoshi Nakamoto est soit extrêmement discipliné soit mort*. Bitcoin a donc sa figure messianique qui profère en même temps une immaculée conception... Cette histoire est dingue et personne n’a jamais réussi à relier ce pseudonyme à une personne réelle !
Je m’intéresse ensuite au concept de monnaie. C’est technique et ça fait appel à plusieurs disciplines. C’est là où les cryptomonnaies se révèlent être un piège fascinant pour des gens curieux : les questions théoriques et pratiques que posent les échanges humains sont hyper intéressantes à étudier. Une monnaie se doit donc d’être un moyen d’échange (pour acheter des biens et des services), une unité de compte (pour comparer le prix des pommes avec ceux des poires par exemple) et une réserve de valeur (pouvoir stocker un truc non périssable pour s’en servir plus tard.) Cette notion de réserve de valeur, de moyen d’épargne va revenir constamment dans le discours des bitcoiners. Je me revois en train de lire les textes m’expliquant en quoi l’or était une réserve de valeur et en quoi bitcoin pouvait s’en rapprocher (pour les bitcoiners, bitcoin est bien évidemment supérieur : mieux divisible, quantité prédictible, stock to flow favorable, facile à transporter, facile à transmettre, facile pour se cacher des impôts ?). Et là où ça devient fascinant avec une acception de stupéfaction c’est lorsqu’on mêle la notion d’énergie à tout ça. Vous réalisez un travail aujourd’hui, vous faites 20 consultations par exemple, ça vous coûte de l’énergie, une rémunération en découle. Si vous épargnez une partie de cette rémunération en vue d’une utilisation dans le futur (projet ou simple précaution), on peut dire que vous transférez une forme d’énergie dans le futur. C’est un peu mal formulé mais vous voyez l’idée ? Bref, il existe plusieurs couches de complexité quand on creuse le sujet des cryptomonnaies et on trouve plein de choses fascinantes qui m’ont aspiré dans le terrier telle Alice poursuivant le lapin blanc.
Autre exemple : les moyens cryptographiques. On parle bien de cryptomonnaie n’est-ce pas ? Là aussi ça a actionné un levier en moi. Enfant, j’étais passionné par les codes secrets. Un peu paradoxal avec mon attrait pour l’écriture et la publication, mais c’est ainsi. Adolescent, j’avais téléchargé PGP (Pretty Good Privacy) qui permettait de chiffrer des mails de façon hyper efficace. (aucun intérêt pratique bien sûr, juste pour le faire !) Une fois les alertes de téléchargement illégal passées (PGP était considéré comme une arme à une certaine époque par la législation américaine), j’ai alors découvert les notions de clé privée et de clé publique si importantes dans le chiffrement. Ainsi, j’ai été séduit par la filiation de Bitcoin avec l’univers des cypherpunks qui réclamaient des moyens d’avoir de la vie privée sur Internet (et qui poussaient aussi assez loin sur d’autres concepts inséminant ainsi le cyber-anarchisme, l’envie de faire d’Internet un espace où l’Etat n’a pas sa place si je caricature.)
Equipé de mon nouveau savoir, et très mal placé sur la courbe de Dunning-Kruger, je place mes premières transactions à la fin de l’hiver 2021 quand les cryptomonnaies atteignent un sommet jamais atteint. (Le pire moment pour acheter.) Je fais des petites transactions, je comprends comment envoyer des cryptos d’un exchange (sites web où l’on peut acheter/vendre des cryptomonnaies) à un autre, je vois qu’il y a des frais assez différents, des valeurs de crypto différentes selon les échanges. Biberonner au discours “not your keys, not your bitcoins”, je transfère mes cryptos sur des portefeuilles dont je suis le seul à détenir la clé privée, et là je fais gaffe à mes choix de mot de passe ahahah ! Ainsi, je perds plus d’argent que je n’espérais en gagner mais séduit par l’écosystème, je tombe dans le piège du mantra “arrivé pour la spéculation, resté pour la technologie” en ayant l’impression de flairer un potentiel pour cette industrie. En effet, la pseudo-complexité de cette industrie et des blockchains intriguent, font fantasmer et on ne fait que subodorer ce qui se trame. Alors que si l’on fait l’effort intellectuel de creuser un tant soit peu le sujet, la technologie est assez simple (et même inefficiente !). On trouve ici une forme de mise en abîme des cryptos : les cryptos actifs prennent le masque de la complexité avec une forme d’intuition dans leur propre appellation pour envelopper un système simple. Une part de moi reste quand même assez lucide et si je suis arrivé à un très mauvais moment pour faire de l’argent en spéculant, je prends tout de même un peu conscience que comme dans la ruée vers l’or, ce sont les marchands de pelle et de pioches qui font des sous (kudos à mon ami Greg de me l’avoir rappelé au détour d’une conversations dans les rues de Lille). En effet, les exchanges prennent leur commission quoi qu’il arrive, et elles ne sont pas négligeables, surtout lorsqu’il s’agit de sortir le cash de l’exchange ! Les autres vendeurs de pioches, ce sont les influenceurs sur les réseaux sociaux. Les influvoleurs en fait tant ils trempent facilement dans de sales manipulations de marché. Mais mon portefeuille n’a pas trop eu à souffrir de leurs histoires, c’est plutôt psychologiquement que je me suis fait avoir tant je me laisser bercer par leurs histoires et instiller de la peur (FUD = Fear Uncertainty and Doubt) ou du FOMO.
Sortir de sa bulle de con-fort de con-firmation de con-
L’été 2021 arrive, je mets plus le nez dehors, des projets personnels se développent, je continue de suivre de loin l’univers des cryptos, surtout via les réseaux sociaux. Mes premiers doutes et moment désagréables font alors surface lorsque je lis des propos complotistes de la part d’un dirigeant d’une entreprise de “gestion d’actifs numériques” française que j’ai utilisée pour acheter des cryptos**. C’est la période où le pass sanitaire était en vogue avec un besoin de vacciner la population pour ralentir l’épidémie. J’ai touché du doigt la porosité entre certains cryptos bros et le complotisme de l’alt-right. (Attention je ne dis pas que tout l’univers crypto est ainsi, il est hétérogène et protéiforme, mais tout de même, il y a des clusters forts.) Une autre alerte qui a résonné en moi c’est le changement d’opinion de Nicholas Nassim Taleb sur le sujet des cryptomonnaies. Bien que ça soit un personnage controversé, j’ai pris plaisir à lire certains de ses livres et à comprendre ses idées. Ainsi, le fait qu’il deviennent si radical et vocal contre les cryptomonnaies m’a interpellé. Taleb parle de Bitcoin comme d’une tumeur qui a poussé sur l’argent frais présent sur les marchés, je comprends que le flot de cash s’est écoulé dans le limon de l’économie pour finir par créer une poche de fermentation nauséabonde dans les cryptomonnaies.
https://twitter.com/SquawkCNBC/status/1570389849898889217
J’ai aussi lu le livre “Tout sur l’économie” de Gilles Mitteau qui tient la chaîne YouTube Heu?reka. Et j’ai eu une sorte d’épiphanie lorsque je me suis fait l’expérience de pensée de gérer la dette dans un univers 100% Bitcoin. Comment finance-t-on les investissements dans un univers déflationniste ? Imaginons revivre la crise Covid en ayant aucune possibilité d’augmenter la masse monétaire ? Les bitcoiners maxis assènent que ça fera une saine purge ! De la destruction créatrice ! Et que ça limiterait l’hyperconsommation débile ! Hum. Je suis une bille en économie, mais j’ai l’impression que la déflation c’est le choc septique de l’économie... Heureusement pour ma transe hypnotique, Bitcoin a rebullé au début de l’hiver 2021-2022, j’étais en compréhension des outils basiques et j’étais tout sourire devant la collection de mèmes que la communauté produit pour s’extasier et s’auto-congratuler. Hypnosis ON. https://twitter.com/naiivememe/status/1752886464285647254
We are all going to make it
L’aspect communautaire dans les cryptomonnaies est vraiment important et spécial. Et lorsque j’analyse ma façon d’être, mon histoire, et que je me souviens du petit garçon qui cherchait absolument à créer des clubs autour de ses passions… je comprends que je suis vraiment une bonne cible qui aime faire parti d’un groupe tout fan d’autonomie dont je me réclame… Si la spéculation est le dénominateur commun, cette foule de gens est hétéroclite dans ses idéologies. S’il est compliqué de digérer la lecture d’Ayn Rand, de lire réellement les économistes autrichiens (“en opposition” à Keynes), il est facile d’apprécier le langage et les mèmes. Paradoxe, dans ce monde hyper individualiste où il faut éliminer la confiance (“don’t trust, verify !” et “not your keys, not your bitcoins”), il y a une foule de mantras et un esprit LOL à-la-sauce 4chan qui cimentent les troupes. Le plus connu est sans doute le cri de guerre HODL qui enjoint la foule à conserver ses bitcoins le plus longtemps possible (ad vitam ?) car bitcoin touchera un jour le million de dollars si l’on en croit des calculs bizarres se basant sur la notion de stock/flow (comme en politique : plus on répète une ânerie, plus ça devient une réalité)... La conservation des crypto-actifs entretient la rareté et cadenasse les “diamond hands” dans le système en prenant le masque de la protection patrimoniale***.
https://twitter.com/ydemombynes/status/1744434793423442418
Un autre qui revient souvent pour envoyer balader les sceptiques : “Have fun stayin’ poor !” ou encore un plus timide “WAGMI : we’re all goint to make it” ersatz d’un “je-vais-bien-tout-va-bien" qui plairait à M Couet. En tout cas, je m’épate d’observer ces individus, majoritairement sous pseudonymes qui s’auto-supportent comme un grand château de cartes. Nourrir une communauté avec ses codes et ses valeurs, s’y assimiler rend plus difficile de s’en détacher et d’en partir reniant ainsi les valeurs que l’on a embrassées. Combien y croit à fond ? Combien nourrissent juste une espérance de faire quelques dollars pour arrondir les fins de mois ? (Cette question se rapproche de mes interrogations sur les pata médecines, combien d’homéopathes croient vraiment en leur bla-bla ?) En périphérie de cette observation, on trouve dans l’univers crypto francophone quelques grandes figures qui savent bien manier la rhétorique et qui ancrent Bitcoin dans quelque chose de sérieux et de possible. Une forme de biais d’autorité est à l’œuvre ici, je pense que l’élocution fluide d’un Sébastien Gouspillou ou les propos ciselés du très cultivé Jacques Favier, donnent du crédit à cet univers (même si les propos vieillissent mal comme dans l’interview de M Gouspillou dans le lien précédent). En tant que débutant, j’ai pensé : “wow, ces gars savent de quoi ils causent, ils sont puissants !”
Siphonnage de cash
En 2021, on a connu la vague des NFT et Dieu m’a gardé d’avoir mis un orteil dans ces eaux troubles. Pour vous la faire courte, on a fait croire à un concept d’œuvre digitale unique en agitant le concept magique de blockchain pour crédibiliser l’idée. Ceci associé à des génies du marketing, des manipulations de marché et toujours plus de cupidité ont poussé à s’échanger des images de singe pour des milliers de dollars. Passons. La vidéo de James Jani traite bien du sujet en langage simple.
Après le pic**** (All Time High aka ATH) du 10 novembre 2021, s’en est suivi une longue débandade du marché. Un bon paquet de gens, même en beuglant HODL, ont dû prendre leur bénéfice (à moins que ça ne soit les quelques whales***** qui impactent tant le marché) et le marché s’est retourné en “bear market”. Bitcoin qui chute attire moins de monde, moins de nouveaux, moins de cash rentre dans le système et ça hiberne gentiment. Le nadir de l’année 2022 a été concomitant d’un florilège de mauvaises nouvelles dans l’écosystème crypto avec le crash majeur du système Terra/Luna et le mastodonte FTX qui s’éclate lamentablement. FTX était un centralised exchange où tout à chacun échangeaient des cryptos. FTX a connu une croissance énorme drivée entr’autres par l’image de son CEO qui faisait tout pour paraitre génial et désinvolte pour séduire des investisseurs (VC) aveuglés par les gains potentiels. On parle de l’éparpillement dans la nature de sept à huit milliards de dollars !! On en fait des belles vacances avec ça !
Pour la suite, j’ai gardé un œil sur la marmite de loin en étant beaucoup plus raisonnable dans mes choix d’investissements. L'un des moteurs forts pour arrêter de bricoler avec tout ça est tout simplement la charge mentale que ça me procurait pour des clopinettes. Je ne suis pas du tout câblé pour prendre du plaisir dans ce jeu et ma perception que d’éventuels gains et pertes relèveraient totalement du hasard m’a égratigné l’égo.
Epiphanie.
En septembre 2023 j’ai écouté lors d’un footing, un podcast que j’aime beaucoup. Il s’agit “Du code a changé” de Xavier Delaporte que j’avais découvert grâce à Stéphane Burtey sur Twitter. J’ai écouté un épisode avec une auteure qui venait d’écrire un livre réquisitoire contre Bitcoin. Il s’agit de Nastasia Hadjadji. Le livre s’appelle No Crypto, il est publié aux Editions Divergences. J’ai eu l’impression de passer de l’autre côté du miroir. Son discours était bien construit et elle avait la foi dans ce qu’elle racontait. J’ai donc commandé le livre et je l’ai dévoré. Le bouquin se lit facilement, j’ai trouvé le style agréable avec des associations d’idées qui font mouches. Les concepts noirs décrits que je retiens sont les suivants : la généalogie de Bitcoin (et oui, la technologie n’est pas neutre), leur consommation énergétique, et le cynisme retors du système qui pousse à toujours plus de nouveaux entrants (fragiles) pour nourrir ce qui pourrait bel et bien être qu’un gigantesque Ponzi.
Bien sûr le livre a été attaqué par la communauté crypto et ils ont probablement trouvé des failles dans les illustrations choisies par l’auteure (voir aussi Jacques Favier ici). Il n’en reste que ça m’a sorti de la bulle filtrante, puis en allant lire d’autres auteurs anglo-saxons crypto-sceptiques ça devenait carrément effrayant... Le procès de FTX et Sam Bankman-Fried qui a eu lieu à la fin de l’année 2023 a été la cerise sur le gâteau. Sur ce sujet, suivre la newsletter et le site web de Molly White qui répertorie les tracas judiciaires et arnaques à grande échelle du monde des cryptos est pour le moins rafraîchissant !
J’écris cette note en janvier 2024. Bitcoin a vécu une période de remous comme il adore en procurer. C’est un peu une attention whore en fait ce Bitcoin... A peine sorti du procès de SBF et consorts (FTX & Alamada Research) qui ont cramé des milliards de dollars d’individus en prétendant révolutionner les finances personnelles, les crypto-enthousiastes à la mémoire sélective s’enorgueillirent d’obtenir “une reconnaissance institutionnelle” grâce à l’autorisation officielle de la mise sur le marché d’ETF Bitcoin. Les Américains peuvent désormais accéder à des produits financiers dérivés de bitcoin sur l’équivalent de leur PEA (401k) sans la tracasserie de la gestion des achats, du stockage des clés privées, etc. Toute cette actualité bruyante m’a replongé dans l'univers. L’envolée attendue de bitcoin n’a pas eu lieu. Les plus experts le savaient car les achats de bitcoins par les grands groupes financiers traditionnels ont eu lieu en amont dans des accords de gré à gré sans passer par les places de marchés ouvertes à tous. Mais là où ça a été très marrant, c’est quand le compte X de la SEC, la société régulatrice des marchés aux US, s’est fait pirater et a annoncé en avance l’accord de la SEC pour les ETF Bitcoin, cela a engendré des mouvements de marchés importants et d’innombrables spéculations quant aux instigateurs potentiels derrière tout ça. Un vrai Dallas ! C’est alors que l’idée d’écrire cette longue note a surgit dans ma tête. Pour consolider mes écrits, j’ai relu le livre No Crypto, je suis allé voir certaines notes dans la bibliographie, j’ai écouté ou lu des critiques du livre par des bitcoiners. Je me suis promené sur le forum r/Bitcoin et son opposé r/Buttcoin. Des allers-retours un peu fatigants nerveusement pour un mec qui s’autoflagelle de détenir des cryptomonnaies... J’ai bien aimé le style totalement nerd du professeur d’informatique de Berkeley Nicholas Weaver qui s’est lancé comme d’autres (Stephen Diehl ou David Gerard par ex) dans une croisade contre les cryptos tant il est persuadé que c’est une énorme connerie. J’ai bien aimé aussi l’analogie que fait Stephen Diehl entre les cryptos et les indulgences que vendait l’Eglise il y a quelques siècles.
Lire et écouter tout ça m’a fait comprendre que Bitcoin et les cryptos n’existent que pour échapper aux autorités. C’était effectivement un but des cypherpunks. Quand il s’agit de prouver un concept informatique, c’est intéressant. Quand il s’agit de faire tourner un truc à l’échelle planétaire pour permettre de la spéculation et du crime au prix d’un coût faramineux on a envie de croire qu’il faut que ça s’arrête !
Don’t do crypto
En conclusion, je suis maintenant assez au clair avec le fait que les cryptos ne servent à rien de positif. Pour 99% des utilisateurs, il s’agit d’un instrument purement spéculatif. Cet instrument est vendu avec quelques jolies histoires qui favorisent l’entrée de nouveaux acheteurs pour driver le prix des cryptos actifs (aka massive Ponzi scheme). Pour une petite frange de personnes, il doit y avoir des puristes enthousiastes de développer du code informatique ou des entreprises dans cette industrie. Ils sont un nombre infime. Pour une autre part, il y a les arnaqueurs patentés et leur pendant qui ont su mettre le business à l’échelle : les groupes de pirates qui plantent des ransomwares. Sans crypto, est-ce que le ransomware existerait ? Comment des hackers criminels pourraient-ils se faire transférer d’énormes montants d’argent sans les crypto-actifs ? Si les prosélytes des cryptos expliquent que la part des transactions identifiées comme criminelles est faible sur les blockchains, le désordre que causent ces ransomwares et la pression sur les entreprises d’IT est omniprésente ! Qui ne connait pas dans son entourage une entreprise, une administration qui a été victime d’un piratage dans les 3 dernières années ?
Ainsi dans le cadre des finances personnelles, je déconseille fortement de mettre le moindre sou dans cette industrie. Si vous voulez vous offrir une partie de casino je pense qu’il vaut mieux aller au casino que de rentrer dans l’univers des cryptos : vous y serez mieux protégé des déviances qui pourraient s’installer.
Je pense aussi que mes écrits n’ont aucune importance, et que le biais de supériorité sera à l’œuvre chez beaucoup de nouveaux entrants, je tenais juste à écrire mon histoire avec les cryptos pour apaiser mes dialogues internes. Je souligne en passant qu’en tant que possesseur d’un petit bag de crypto, il est tout à fait contre mon intérêt d’écrire contre l’univers des cryptos. Merci pour votre attention.
TL;DR DON’T DO CRYPTO
* Plus prosaïquement, il est probable que les clefs aient été perdues, surtout qu’à l’époque tout ça ne valait rien sur la place publique.
** StackinSats qui vend si bien le concept de DCA (dollar cost average = achat régulier de bitcoins pour de petits montant permettant de lisser le prix d’achat au fil du temps) en oubliant d’expliquer qu’il faut consolider les UTXO de temps en temps quand la blockchain a des frais de transfert bas. Avec une trentaine d’achats en DCA viré sur un wallet externe chaque semaine par StackinSats, je me retrouve avec 105 000 sats de fees (soit 38 euros le 24/01/2024) pour bouger 1,5 million de sats ! Débile !!
*** protection patrimoniale s’appuyant sur le fameux concept de réserve de valeur. Je vous propose cet extrait d’une émission récente sur BFM où Jonathan Herscovici, dirigeant de StakinSats, nous offre une belle pirouette en expliquant que Bitcoin devrait s’apprécier lorsque les (vilaines) banques centrales redéployeront de la création monétaire. Bitcoin redeviendra alors un rempart (hedge) idéal contre l’inflation systématique qui découle de l’impression monétaire (sic). Alors que comme l’explique Taleb c’est l’abondance de cash dans un monde où l’argent ne coûtait rien (taux d’intérêt bas des années 2010-2020) qui a permis l’abondement dans la piscine des cryptos. C’est à voir ici
https://youtube.com/clip/Ugkx9MDag-PkeRrEdhna8TnjrUpXASg1RdaW?si=OglPL-KUM6MGAFJz
**** pic qui m’a permis de prendre la mesure de la congestion de la blockchain ! Bitcoin est sous dimensionné ! 3 à 7 transactions par secondes ! Quelle blague ! Quand tout le monde veut basculer ses bitcoins d’un wallet à un exchange pour prendre des bénéfices, la blockchain est congestionnée +++ et les frais explosent ! Imaginez 150 000 sats de frais avec un bitcoin à 50 000 euros, ça fait 75 euros de frais pour un mouvement !! Alors les bitcoiners répondent : oui mais il y a le lightning network ! LN est une seconde couche au-dessus de Bitcoin, en gros vous ouvrez des canaux de communication où vous placez des sats qui pourront faire des échanges entre utilisateurs et seulement à l’ouverture et à la fermeture du canal vous réinscrivez les résultats finaux on-chain. Pour le fun j’ai créé un wallet LN Phoenix, dans la relative congestion de mi-janvier 2024 ça m’a coûté 6 euros de frais. Soit 4% de frais pour avoir l’équivalent de 150 euros transférables rapidement ! J’ai réussi à bouger des sats quasi instantanément avec une connaissance, par contre pour bouger des sats de mon exchange via le LN vers ce wallet Phoenix, ça n’a tout simplement jamais marché 🙁 LN c’est beau dans le discours mais en pratique, c’est galère.
***** gros concentrateurs de bitcoins, des individus ou des sociétés possédant énormément de bitcoins et qui déclenchent des mouvements de marché important quand ils achètent ou vendent.
P.S. et avec tout ça je n’ai même pas parlé de l’immense problème des stablecoins et de l’entreprise Tether en particulier… time will tell… La création d’USDT sans certitude sur le collatéral est un problème gigantesque.