Est-ce que Lionel Sanders va devenir diabétique ?
hyperglycémie chez les sportifs d'endurance
Il y a 15 jours, le triathlète professionnel Lionel Sanders a sorti une nouvelle vidéo sur sa chaîne You Tube. Il parle de son alimentation et de son sommeil et comme à son habitude il s’auto-critique beaucoup.
J’ai regardé ça lors d’un échauffement sur mon home-trainer et même si je me lasse un peu de ces errements (au point que je finis par demander à quel point les vidéos seraient “scénarisées” par Talbot Cox) c’est toujours un rendez-vous sympathique. A force de le suivre depuis des années en m’entraînant, Lionel c’est un peu mon pote de home-trainer ;)
Nouvelle invention typique de Lionel : il a fait une prise de sang, quelque chose qu’il n’a pas fait “in yeeeears” et des résultats l’ont surpris et choqué et comme d’habitude il faut TOUT changer. Il évoque surtout son taux d’hémoglobine glyquée (HbA1C) à 5,9% et craint de devenir diabétique.
Bam.
L’un des gars qui fait le plus de sport au monde avec des muscles qui siphonnent le sucre plus vite que quiconque deviendrait diabétique ?! c’est la porte ouvertes aux raisonnements de comptoir et les réseaux sociaux (la secte LCHF…) glissent dans le mantra religieux : “ben oui avec tout le sucre qu’il ingurgite, son corps dit stop, il devient diabétique, la malbouffe tue, l’industrie des céréales nous empoisonne, mangez des steaks !”
Il faudrait que je creuse plus le sujet et que je fasse une note sérieuse sur l’hyperglycémie du sportif car c’est très intéressant comme sujet. Mais je tiens à faire cette courte note pour rassurer les sportifs qui se sont posés des questions avec cette vidéo.
Le diabète (de type 2) est une maladie plurifactorielle, à la physiopathologie complexe. Classiquement ça touche plutôt les gens sédentaires vieillissant. La définition de la maladie, est elle plutôt simple, il s’agit d’avoir une glycémie à jeun de plus de 1,26 g/l. Donc, déjà on peut tordre le cou à l’idée que Lionel Sanders soit diabétique, on n’a pas les critères qui se basent sur des mesures de la glycémie.
Dans la genèse de la maladie diabétique, l’un des éléments clefs est la résistance des tissus à l’action de l’insuline, l’hormone qui fait rentrer le glucose dans vos cellules. Un moyen de tester ça est de faire un test de tolérance au glucose, on absorbe une grande rasade de sucre et on suit l’évolution de la glycémie. Le diabétique va avoir une glycémie élevée et qui persiste dans le temps du fait de la défaillance du “système-insuline”. Je suis persuadé que si Lionel Sanders faisait un test comme ça, il se rassurerait, ses muscles et son foie pomperaient tout ce glucose sans difficulté contrairement à un diabétique.
(Attention, le sport n’immunise pas non plus contre les pathologies et même si je pense que c’est très improbable, un sportif d’endurance peut développer un diabète, peut-être notamment dans le cadre d’un terrain familial particulier.)
Ensuite, le sujet de l’hyperglycémie chez les sportif est un vrai sujet. Cela a été observé et mesuré dans la littérature scientifique. Moi même je l’ai beaucoup observé quand j’ai fait des expériences avec des capteurs de mesures de la glycémie en continu (CGM en anglais). D’ailleurs mon HbA1C est à 5,7% si vous voulez tout savoir. Il y a des mécanismes hormonaux et nerveux pouvant expliquer cela. Encore une fois il y a de la granularité dans les phénotypes sportifs qui ont une glycémie à jeun élevés mais à mon avis c’est quelque chose de tout à fait différent du diabète ! Pour être simpliste, le corps est habitué à mobiliser beaucoup de glucose à causes des entraînements récurrents et il aurait développer des adaptations rendant le glucose plasmatique plus disponible.
Si vous voulez creuser le sujet de l’hyperglycémie chez les sportifs, les CGM et d’autres sujets autour de la nutrition, je vous conseille le blog Substack du Dr Guess. Et en particulier, ce billet pour commencer :
En conclusion, je ne pense pas que Lionel Sanders va devenir diabétique prochainement. Même si le sport ne dois pas être une excuse pour manger n’importe quoi, je pense qu’il offre une forme de souplesse dans les quantités ingérées. Sur un autre versant, quand on s’entraîne beaucoup (plus de 10h par semaine ?) avoir des apports caloriques suffisants peut aussi devenir un sujet de préoccupation. Bref, soyez rassurés on ne devient pas diabétique à cause des boissons sucrées sur le vélo (par contre on peut choper de caries). Et méfiez-vous encore et toujours des affirmations péremptoires sur les réseaux sociaux, analysez “qui parle” et si son discours supporte la critique…
top comme d'hab :)
Comme d’habitude, super interessant.
Merci :)