A l’heure où je vous écris je suis en train de faire un “mini-jeûne” de 5 jours. J’écris “mini-jeûne” car je mange un peu. Il s’agit d’une méthode d’activation de l’autophagie mimant le jeûne créée et popularisée par le Pr Valter Longo dont j’ai déjà parlé. En anglais la méthode s’appelle Fast-mimicking diet. La traduction française qu’on lit sur leur site commercial est l’horrible “régime imitant le jeûne”. Je ne vous cache pas que le niveau d’énergie n’est pas le même que d’habitude et je pense que je publierai cette note bien après pour une bonne relecture. J’avais déjà fait un essai à ma sauce en 2018 et j’ai eu envie de refaire un mini-jeûne en fin de saison sportive et avant les vacances en famille.
Comme vous l’avez lu dans une note précédente, à force de fouiller le web sur la nutrition du sportif et les apports en protéines, YouTube m’a mis cette vidéo devant les yeux qui a ravivé mon intérêt pour les théories du Pr Longo sur la longévité et la nutrition.
Ça fait très longtemps que je cherche à écrire une note sur notre obsession pour les protéines et le mimétisme propagé par les réseaux sociaux. On n’y est pas encore avec cette note mais ça me trotte toujours dans la tête et ça constituera une pierre à l’édifice.
Valter Longo, ses 5 piliers et ses théories.
Valter Longo est un scientifique italien travaillant aux Etats-Unis. Il a émigré dans l’espoir de faire des études de musicologie et les rebondissements de la vie l’ont finalement poussé vers la biochimie pour s’intéresser aux mécanismes du vieillissement. Jeune scientifique, il a travaillé pour le Pr Walford et il a été très marqué par l’expérience Biosphere 2 , dans laquelle Walford a formé un équipage avec 7 autres personnes pour vivre en autarcie dans une sorte de bulle pendant 2 ans ! La nourriture n’était pas assez abondante et ils ont tous fini par tenir en se restreignant drastiquement mais ils sont sortis avec une sale mine ! (la légende envisage que Walford ait calculé ça à l’avance) Ça n’a visiblement pas empêché le Pr Walford de croire aux bienfaits de la restriction calorique à long terme en voulant transposer les résultats des animaux de laboratoire chez l’Homme. Malheureusement ça ne lui a pas réussi car il est décédé d’une terrible maladie de Charcot. Je vous conseille d’aller voir sa page Wikipedia, il y a une anecdote savoureuse ! Bref, Longo était bien convaincu des bienfaits de la restriction calorique pour allonger la vie des souris mais restait dubitatif chez l’homme. Les deux principales voies de signalisation de croissance sont déclenchées par les apports de glucides d’une part et de protéines d’autre part. Il fallait trouver un moyen de mimer le frein sur les voies de croissance cellulaire procuré par la restriction calorique tout en ne s’exposant pas à des déficits nutritionnels. Le Pr Longo explique qu’il fonde ses théories sur une pentagulation (néologisme de mon cru) entre les études écologiques des populations de centenaires, les sciences fondamentales avec les études animales, l’épidémiologie, les essais cliniques et l’étude des systèmes complexes. Ce dernier point est un peu capillotracté mais c’est sans doute parce que je l’ai mal compris ;) Ainsi, il enseigne à ses étudiants de ne pas réfléchir sur une étude, sur une découverte du monde animal ou sur des statistiques épidémiologiques, il faut aligner les idées, prendre de l’altitude et voir le paysage se dessiner. C’est ainsi que le concept de Fast Mimicking Diet est né. Au fait… j’y pense soudainement : il est cool le personnel branding de Valter non ?
Fast Mimicking Diet
Le concept part du constat qu’un jeûne complet est difficile. De plus il semble que ça ne soit pas optimal pour le microbiote et la barrière intestinale de n’apporter que de l’eau, nos copains les microbes méconnus souffrent avec nous. Par contre, en dérivant des travaux animaux sur la restriction calorique, l’idée est venue d’apporter peu de calories, peu de glucides, peu d’acides aminés (surtout les plus activateurs de sécrétion d’insuline et de mTor) pendant une période de 5 jours. L’idée est d’éteindre les principales voies de signalisation cellulaire de croissance. Ainsi, on bascule dans un état métabolique de disette et les tissus activent des processus d’autophagie. Il y a une forme de recalibrage métabolique. Dans cet état, des cellules sénescentes déclenchent l’apoptose (cf ma note sur Jean-Claude Ameisen) et une forme de recyclage cellulaire démarre. Par la suite, des cellules souches sont réactivées et avec la reprise d’une alimentation, on redémarre plus jeune ! (Avez vous apprécié la pirouette langagière ?) De plus, il est imaginé que les cellules précancéreuses ou cancéreuses existantes ont souvent un emballement de la croissance qui les rend sensibles à la carence énergétique. Si on obtient en plus secondairement un boost du système immunitaire grâce à la floraison de nouveaux lymphocytes on obtiendrait des chances de dégager de vilaines cellules indépendantistes dans notre organisme.
Let’s go !
Après avoir relu, réécouté et visionné Valter Longo, j’ai acheté sur une petite pulsion dont j’ai le secret le kit FMD 3 sur le site Prolon.fr. Le Pr Longo dit ne pas gagner d’argent avec son travail qui touche le public, il reverserait tout à sa fondation pour la recherche sur la longévité. Je n’ai pas vu les comptes de la société mais ça me parait suffisamment rare dans la communication sur la santé pour le souligner. D’habitude les gens visibles dans les médias ont quelque chose à vous vendre. J’ai donc acheté la soupe la plus chère du monde ! La dernière fois j’avais bricolé quelque chose en essayant de me baser sur les ratios de macronutriments mis cette fois-ci je voulais avoir la vraie expérience avec leur expertise en nutri-technology comme ils avancent. Livraison rapide sans encombre, c’est expédié depuis l’Europe. Il faut ensuite trouver la bonne période pour faire ça. Pas d’entraînement ni de garde en vue la semaine avant les vacances… ça fait un peu peur de faire ça mais ça me semblait le bon moment.
Jour 1 à 5
Le premier jour est marqué par la curiosité de découvrir les produits, l’enthousiasme du démarrage est là. La première constatation c’est de résister aux pulsions de grignotage et à la “faim par habitude”. C’est quelque chose que je veux améliorer au long cours et le cadre du FMD donne un bon point de départ. Au menu, barre miel et oléagineux, tisanes, soupes et cracker.
Le deuxième jour m’a paru plus difficile, j’étais en recherche de nourriture, le cerveau semble se reprogrammer pour mettre de côté les autres tâches et chercher de l’énergie. J’ai beaucoup ressenti le besoin *habituel* de manger à mon retour à la maison le soir. Mini séance de gym pour essayer de garder de la masse maigre. Le sommeil se dégrade et je me sens presque baigner dans le cortisol au réveil le matin.
Le troisième jour est mieux passé malgré la baisse de calories. Je n’ai pas fait les comptes exacts mais ils annoncent une baisse à 800 kcal environ. Je suis allé travailler en marchant et même si ça me prend une heure, j’aime beaucoup ça. Je me suis autorisé une customisation de la soupe avec une pincée de cumin et une touche d’huile d’olive. On s’invente des trucs pour grappiller quelques calories en plus et je me suis fabriqué cette explication pour ma triche de 40 kcal de lipides : “le petit point faible du concept FMD est qu’il n’y a pas d’adaptation selon le gabarit de l’individu, si vous êtes déjà mince, avec peu de gras et un métabolisme de repos assez élevé en lien avec la proportion de masse maigre, j’imagine que la leptine dégringole très très vite avec un tel régime.”
Au réveil du quatrième jour, je me sens mieux malgré un sommeil toujours bof. J’urine plus que d’habitude. Je ne sais pas si ce sont les tisanes de la journée ou le métabolisme différent. Comme je ne travaille pas ce jour là, je suis plus détendu vis à vis de mes besoins énergétiques. Une nouvelle fois je triche un peu en ne prenant pas la barre programmée comme petit-déjeuner. J’ai l’impression d’être en cétose car je n’ai pas faim et je me sens mieux mentalement et je veux prolonger cet état pour accomplir mes missions du jour. Ca n’est pas prévu par le FMD de faire de la cétose avancée mais j’en ai profité ce jeudi matin. Me voilà chez Décathlon en train de faire mes courses. J’ai quand même moins de résistance à la tentation et je m’en sors avec beaucoup plus de trucs que prévus et comme par hasard : une tonne de barres et pâtes de fruits ! Nouvelle séance de gym le soir, plus appuyée, plus concentré. J’ai moins de force que d’habitude mais je reste efficace. Le soir, je prends la décision de raccourcir la semaine FMD pour un repas festif le soir en famille qui jour 5.
Le cinquième jour je me sens rodé. Pesée au lever : -2,8 kg dont 2,6 de masse maigre. Je retarde le petit-déjeuner pour faire une prise de sang à jeun au travail : mon IGF-1 baisse de 30 %, l’acide urique monte de 30 % (c’est attendu car les corps cétoniques sont en compétition avec l’acide urique pour l’excrétion rénale), la glycémie et les triglycérides sont bas autour de 0,7 g/L, mon LDL-C ne bouge pas par contre. Je me fais l’idée que j’ai vraiment “naturellement” une faible production des récepteurs au LDL-C ce qui diminuent leur clairance. En effet, Je me dis que si mon taux reste tel quel alors que j’ai mangé beaucoup plus de fibre dans le dernier mois, que je n’ai pas du tout mangé de graisses saturées ou de cholestérol pendant les derniers jours, c’est que la part “absorption” ne joue pas un grand rôle dans l’addition des phénomènes entrées/sorties qui aboutissent à mon taux plasmatique. Je ne sais pas si mon hypothèse est farfelue ou non mais ça me renforce dans mes convictions forgées cet hiver. Comme j’ai décidé de manger “normalement” le soir, je zappe la collation crackers et je rentre à pieds chez moi sereinement. Je trouve le retour à une alimentation normale plus facile que lors d’un vrai jeûne.
Au final ?
C’était une bonne expérience. C’est intéressant de constater en mangeant moins le temps qu’on gagne. Les sens s’aiguisent. On vit un moment inhabituel. Bien sûr moins de force pour les activités mais on peut y arriver sans problème. Lors de mon retour à pied vers chez moi le cinquième jour, j’avais une forte sensation d’accomplissement qui est très agréable. Une saine joie ! Je ne sais pas si je cherche à optimiser une santé déjà très bonne de façon complètement conne et hubriesque. Peut-être que je vis une forme de placebo en m’imaginant un tas de choses que je ne peux pas mesurer. En tout cas, je conseille l’expérience, c’est enrichissant et ça renforce la confiance en soi de vivre avec 1/4 des calories habituelles. Enfin, je vous présente mes excuses pour l’écriture que je trouve plus laborieuse que d’habitude mais j’étais pressé de publier à chaud et j’ai rédigé tout ça à l’arrache, j’espère que ça ne vous dissuadera pas de partager cette note et de vous faire le défi entre amis ou membres de la famille de faire un mini-jeûne de quelques jours.
c'est chaud quand même :)
Top, bravo!
Moi ce qui me rebute c’est les -2.5kg de masse maigre c’est assez énorme pour 5j!
Si en plus on s’efforce de limiter l’apport en protéine sur le reste du temps.. Ca peut aboutir à de grosses pertes non? Ça ne te dérange pas?