VO2max et vieillissement
Comme en voltige, il faut évoluer haut dans les cieux pour limiter le risque d'un rapprochement désagréable avec le sol
Lorsque j’ai fait ma dernière épreuve d’effort en décembre 2023, j’ai été déçu des résultats. La mesure objective signait la baisse de mon *potentiel* de performance sportive. Bien sûr, la performance est multi-dimensionnelle, il n’y a pas que le chrono dans la vie. Ainsi, nager 6 km en eau libre est assez différent de courir 6 km à fond ou de rouler 6 heures en vélo. Néanmoins, on continue, je continue, d’accorder de l’importance à la consommation maximale d’oxygène aka VO2max. En physiologie, il s’agit de la consommation maximale d’oxygène par minute par notre corps. On a l’habitude de normer par le poids pour mieux comparer les individus. (Sur un autre sujet, des “scientifiques” ont pris le temps de tester l’hypothèse d’une corrélation entre la taille du nez et du pénis, sachez-le). Plus notre corps est capable de consommer de l’oxygène plus notre corps peut générer l’énergie chimique nécessaire à un travail mécanique soutenu dans le temps. J’écris soutenu dans le temps car lors d’un bref travail de force comme soulever un poids, d’autres ressources énergétiques sont mises en jeu. La VO2max est donc bien associée à la capacité de faire un travail d’endurance élevé. Utile pour gagner dans le sport, mais probablement aussi utile pour traverser la vie sereinement puisque la VO2max est *associée* à une moindre mortalité à 10 ans (cf cette publication dans le JAMA). Je reviendrai là dessus.
A l’autre bout du spectre, avoir une faible capacité à consommer de l’oxygène va se traduire par une autonomie en berne. Ainsi, un être humain avec une VO2max “effondrée” sera dans l’incapacité de faire des actes de la vie quotidienne comme se déplacer avec aisance, monter des marches, porter un sac sur une certaine distance, etc. Une VO2max entre 18-20 ml/kg/min serait un plancher à ne pas grever pour être autonome.
Par ailleurs, la VO2max décroît avec le vieillissement. Que l’on soit un ancien détenteur de record du monde ou un Churchillien convaincu, le temps fait son œuvre.
Ce déclin a été mesuré. Le taux de déclin est variable dans la littérature médicale, une approximation serait de tabler sur 0,5 ml/kg/min/an. On peut ainsi imaginer que même en démarrant avec une VO2max “dans la moyenne” à 20 ans (45 ml/kg/min), le vieillissement nous ferait glisser en dessous du seuil de 20 ml/kg/min à 70 ans. C’est la raison pour laquelle, le médecin et auteur de podcasts Peter Attia (que j’écoute avec prudence) répète régulièrement qu’il veut développer la VO2max de ses clients pour conserver de la vitalité pour les vieux jours. A l’entendre, il faudrait avoir 60 ml/kg/min de VO2max entre 40 et 50 ans pour bien vieillir, c’est un objectif très (trop !) ambitieux. Peut-être que 50 ml/min/kg à 45 ans serait déjà formidable (projection de 26 ml/kg/min à 85 ans). Une VO2max à 50 ml/min/kg devrait permettre de courir 10 km en 50 minutes. Ca me plait plus, c’est plus dans mes cordes ahaha !

Sur un plan similaire, Peter Attia et ses apôtres répètent que la VO2max est inversement corrélée à la mortalité grâce au papier de JAMA que j’ai déjà cité en début de billet. Il s’agit d’une étude rétrospective qui a repris tous les patients qui ont eu une épreuve d’effort entre 1991 et 2014. Le chiffre clé cité par les chantres de la longévité est qu’une capacité fonctionnelle faible, située dans le premier quart soit environ 25 ml/kg/min à 50 ans est associée à un hazard ratio de 5 vis à la vis de la mortalité à 10 ans par rapport aux individus ayant la capacité fonctionnelle dans le top 2,5%. Ainsi, avoir une capacité dans le premier quartile est associée à 5 fois plus de risque de mourir à 10 ans que d’avoir une capacité classée “élite”. Statistiquement, c’est un “marqueur” plus puissant que d’avoir une insuffisance rénale ! ça parait dingue tant l’insuffisance rénale avancée est bien ancrée comme une morbidité extrêmement lourde dans la pensée médicale.
Quelques remarques me viennent en lisant le papier :
correlation is not causation épisode 42, je comprends mais je tique quand on recommande d’augmenter la VO2max en espérant améliorer la santé, ça fait sens mais on manque de travaux prospectifs d’intervention,
il n’y a aucune VO2max mesurée, uniquement des capacités fonctionnelles en MET estimée par le calcul en utilisant la vitesse du tapis et la pente,
la population est une population adressée pour un test d’effort, ça m’interroge, je sais qu’aux US la consommation médicale est encore plus débridée qu’en France,
il y a une grosse proportion sous aspirine, plus forte que la proportion de patients connus coronariens d’ailleurs… ça dit quelque chose sur les indications en prévention primaire, sans doute encore plus importante il y a 30 ans
Enfin, je vous partage mes mesures. En matière de VO2max il semblerait que je décline assez vite ! Les protocoles de tests ont été différents, j’étais désentraîné en matière d’endurance en décembre 2023, je suis assez curieux de voir si la courbe va continuer avec la même tendance ou pas. Pour le moment, je peux encore être autonome à 80 ans, mais pas tellement plus, va falloir continuer de courir, c’est pas encore gagné de grimper dans les montagnes à la retraite ;)
quelques commentaires de cardiologue faisant des EFX :-)
- D'une EFX à l'autre, le VO2max peut varier pour des raisons purement analytiques. On considère qu'une variation significative est d'au moins 5%. Sans compter les variations liées à l'entrainement entre présaison et saison... Donc bon, les variations d'un point d'un an à l'autre, avec des protocoles différents et à des moments différents de l'année...
- je te rejoins sur causalité/corrélation. Les patients ayant un VO2max plus bas survivent moins longtemps aussi parce qu'il ont probablement une pathologie sous jacente qui explique justement cette baisse de VO2. D'un autre côté, l'activité physique régulière, tout en améliorant le VO2 (ou en diminuant sa décroissance) apporte un bénéfice articulaire, cardiovasculaire, cognitif, etc... Le VO2 est peut être avant tout le marqueur de l'état de santé plus que le prédicteur de la suite...
- à un âge avancé, c'est le renforcement musculaire qui améliore/maintient le plus le VO2 max. Parce que les réserves fonctionnelles cardiaques et pulmonaires s'amenuisent
Tout va bien se passer Rémi :) tu fais parti des quelques pourcent très actif de la population.
j'ai pas de mesure de vo2 mais mes séances seuils, test ftp allure en course sont encore identique qu'il y a 10 ans . :) 41 tout va bien on verra 42 :)